21/09/07

PORQUE É QUE ELES ESCREVEM - J.M.-G. LE CLÉZIO

Je vais vous dire, je vais tout vous expliquer. Donc, j'avais dix-douze ans, j'habitais cette vieille maison sur le port, un peu napolitaine, complètement décrépie avec des draps que séchaient à toutes les fenêtres de la cour, les chats à demi-sauvages qui se battaient sur les terasses, et bien sûr les escadrilles de pigeons. En ce temps là je ne savais pas ce que c'était qu'un ecrivain, je n'en avais pas la moindre idée, je ne me doutais pas qu'il y avait eu un ecrivain nommé Jean Lorrain qui avait habité dans la même maison, autrefois. Je me souviens de cette maison surtout à la belle saison, en été et au commencement du printemps, parce qu'on laissait les fenêtres ouvertes et qu'on entendait le bruit des martinets et les roucoulements des pigeons. Mais il y avait un bruit spécialement qui me faisait quelque chose. Je ne peux pas vraiment dire pourquoi ça m'inquiétait, mais aujourd'hui encore quand j'y pense ça me fait frissonner et ça me met dans cet état de sorte de mélancolie et d'impatience qui précéde le moment où je sais que je vais devoir m'asseoir n'importe où, lá où je suis, prendre un cahier et un crayon à bille et commencer à écrire. Ce bruit, c'était les voix des jeunes gens qui s'appelaient dans la cour, qui criaient leurs noms. Il y avait des garçons qui venaient siffler, et d'autres mettaient la tête à la fenêtre, et ils disaient: «Tu cales?» Et ceux d'en haut: «Où vous allez?» Ils allaient je ne sais plus où, à la plage, ou à la foire, ou simplement au coin de la rue pour discuter, ou attendre les filles qui sortaient de l'école Ségurane, ça n'a plus aucune importance. Mais quand j'entendais ces sifflements, et les noms qui réssonnaient dans la cour, j'imaginais une autre vie que la mienne, j'imaginais les courses dans l'infinie des rues, j'imaginais les bains dans l'eau de mer froide, le soleil, l'odeur des cheveux des filles, la musique des dancings, l'aventure, la nuit. Jamais je n'ai entendu appeller mon nom dans la cour, jamais je n'ai entendu siffler pour moi. J'etait dans la même maison, mais c'etait un autre monde. Voilà, c'est pour cela que j'écris.

3 comentários:

CC disse...

Escrever não é por uma razão. Escrever é uma razão.

Abraço, ana.

Ana Cristina Leonardo disse...

Caro confúcio costa, não foi essa a resposta de Le Clézio quando o Libération o interrogou, nos idos de 70, num dossier exclusivamente dedicado à pergunta Porque é que escreve?

CC disse...

Sim, Ana, foi exactamente isso. Mas em francês. Só por isso não o acuso de plágio.

Abraço apertado.